Le solaire obtient un feu vert pour investir les terres agricoles

Publié le 06 Dec 2023 à 22:36, par Sharon Wajsbrot

Le gouvernement a posé les règles qui doivent permettre l'essor de l'agrivoltaïsme, cette pratique combinant cultures agricoles et production solaire. Le taux de densité maximal des panneaux solaires a suscité de nombreux débats.

Le gouvernement a fixé à 40 % le taux de densité maximal des panneaux dans les cultures et dans les élevages agrivoltaïques. (Shutterstock)

Cette fois, c'est parti. Après des débats longs et houleux, le gouvernement a fixé les conditions selon lesquelles les panneaux solaires pourront se démultiplier dans les champs. Il donne ainsi le top départ à l'essor d'une pratique encore émergente mais pleine de promesses, l'agrivoltaïsme - l'installation de panneaux photovoltaïques sur des terres cultivées ou d'élevage.

Très sensible en France où l'agriculture tient une place économique et culturelle de premier plan, cette question était aussi cruciale pour les énergéticiens qui, en mal de foncier, lorgnent vers les terres agricoles pour gagner de précieux gigawatts.

Une approche offensive

Face aux demandes des producteurs solaires de maximiser la densité des panneaux pour baisser le coût de l'énergie, certaines fédérations agricoles réclamaient de la limiter. Ces dernières sont soucieuses de préserver l'incitation à produire pour les agriculteurs - parfois mieux rémunérés par la production d'énergie que par leur activité principale. Le gouvernement a opté pour une approche plutôt offensive.

Le décret validé par Matignon limite à 40 % la densité maximale des panneaux solaires autorisée dans les installations agrivoltaïques. Un taux de densité supérieur pourra être autorisé ponctuellement pour des installations de petite taille et expérimentales très contrôlées.

Pour mémoire, ce niveau de densité correspond à la demande de l'association France Agrivoltaïsme qui rassemble des producteurs comme Engie, Valeco, Voltalia mais aussi la FNSEA. Les jeunes agriculteurs et des producteurs d'énergie comme Sun'R plaidaient de leur côté pour une approche plus prudente, avec une limite fixée à 20 %, voir 25 % de densité.

« Un taux à 40 % engendre des baisses de rendement de 38 % en moyenne ! Dans ces conditions, il est totalement dérisoire de considérer que les panneaux apporteront des bénéfices à la production », avait notamment dénoncé la fédération des jeunes agriculteurs, estimant que la souveraineté alimentaire passe au second plan.

Une chute de rendement de 10 % autorisée

« Nous ne remplaçons pas une dépendance par une autre. Le déploiement de l'énergie solaire ne doit pas se faire sur l'autel de la souveraineté alimentaire », se défend toutefois le ministère de la Transition énergétique. Ce dernier explique que de nombreuses cordes de rappel seront mises en place pour éviter les projets « alibi », des panneaux solaires sans cultures ou élevages en dessous.

Concrètement, dans les champs agrivoltaïques, des contrôles seront réalisés tous les trois ans afin de comparer les rendements agricoles sous les panneaux aux rendements moyens observés sur ce type de cultures, sans production d'énergie.

« Il y aura un impératif de résultat », martèle-t-on au ministère de la Transition énergétique. Précisément : une chute de rendement de maximum 10 % sera autorisée sur les cultures combinant productions alimentaire et énergétique. Au-delà, des aménagements devront être réalisés.

Une énergie centrale pour la décarbonation nationale

Pour développer en parallèle le solaire sur des terres agricoles dites incultes, le gouvernement demande dans ce même décret aux chambres départementales de lister les terres disponibles. « Sur ces terres, il sera possible de faire des centrales photovoltaïques traditionnelles », explique-t-on au ministère de la Transition énergétique.

En théorie plus consensuelle que l'éolien, l'énergie solaire est l'un des leviers essentiels de la feuille de route de décarbonation française. D'ici à 2035, le gouvernement prévoit de porter les capacités de production nationales à 75 GW, voire à 100 GW, contre 15,7 GW actuellement. « Si on développe ces 100 GW sur les seules terres agricoles on ne consommerait que 0,2 % de la surface disponible », défend encore le ministère d'Agnès Pannier-Runacher.


Article Source : Lire l'article

 Nos autres articles